Jérôme Conscience. Ni artiste, ni spécialiste des mots, ni esthète (quoique), il m’est bien mal aisé de parler de Jérôme Conscience et de son travail. Je ne suis pas compétant en la matière. Je n’ai pas cette science. Bien sûr, j’aurais pu copier les textes nombreux déjà écrits qui tentent une définition du personnage et de son art; j’aurais pu aussi faire des jeux de mots plus ou moins brillants sur son nom (j’ai bonne conscience que cela a déjà été fait).
Un jour, je suis entré chez lui.
D’abord, il y a le blanc, après la cour sombre. Il pousse la porte et j’entre dans une grande pièce aux murs sans couleur. C’est le silence. Il y a une cheminée, un lit remarquable (y dort-il habituellement ?), et tout de suite le silence se tait: la parole se fait lire sur les murs blancs. De nombreuses pièces y sont accrochées: des toiles surprenantes qui parlent. J’ai ressentis alors un attirement. J’avais du temps devant moi, et pourtant je voulais tout écouter d’un seul coup. Les yeux grand ouverts, j’écoute ce que Jérôme a écrit.
Il y a des lettres, des mots, des phrases et je comprends à quoi ils jouent. C’est parfois un peu osé – même trop parfois. C’est drôle, c’est subtil, c’est simple dans la forme, pas toujours dans le fond. J’entre et je n’ai pas le choix: comme assommé par mille voix, il me faut tout lire, tout voir. Jérôme me propose un café. J’accepte, même si j’ai mieux à savourer.
Il y a alors deux Jérôme: ceux qui parlent. Celui qui parle autour de son café, et celui qui a parlé et parle encore sur les toiles. La question m’est de savoir si celui-ci aurait osé dire ce que celui-là a écrit. Car son art est le langage. En parlant sur les toiles il dit à nos yeux ce qu’il n’oserait sans doute pas prononcer à nos oreilles.
Il y a le Jérôme timide et il y a le Jérôme qui ose, drôle, subtil, simple dans la forme, rarement dans le fond. En réalité, je sais que c’est le même Jérôme. Il n’a qu’une pensée mais deux manières de la faire entendre au monde.
Bien sûr, il fait ça pour s’amuser, pour gagner sa vie… mais c’est aussi je pense le meilleur moyen d’expression qu’il a trouvé. Les mots qu’il délivre sur ces toiles le délivrent de ses maux.
On boit le café. Pas terrible (pourtant il y a du thé Mariage dans l’armoire. Maître Conscience a du goût !). Je sors sous la pluie noire entendant résonner encore ses paroles. Verba volant, Scripta manent.
Romain Cardus 2007