Les mots sont au coeur du travail de Jérôme Conscience : jeux de mots, mots d’humour, mots d’amour, mots à double sens…
Don’t be a stranger now est une oeuvre multiple de Jérôme Conscience identifiable grâce à divers signes : la rigueur, l’esthétique épure, le format, l’utilisation de la Futura (pour les textes en alphabet latin), la mise en espace du texte, le blanc tournant (ou plutôt ici le noir) …
L’artiste a choisi pour cette oeuvre un support en ardoise naturelle gardant sa singularité avec les irrégularités propres à la nature du matériau. Le travail n’en est pas moins réalisé avec une grande précision.
Ce multiple trouve son origine dans une expression américaine généralement utilisée après une première rencontre ou une longue absence qui indique l’envie de revoir la personne. La phrase résonne ensuite de manière plus littérale et se décline dans cinq autres langues : français, espagnol, arabe, hébreu et latin.
Jérôme Conscience a choisi six des langues les plus parlées à travers le monde. L’usage de ces langues, liées par des origines communes et marquées par des apports d’autres langues, témoignent de la circulation des populations. Si la langue française trouve son origine dans le latin, elle s’est aussi enrichie par le métissage des cultures avec l’arabe ou encore l’anglais. Elle est aussi de la même famille que l’espagnol par sa racine latine, son écho de prononciation et sa situation méditerranéenne. Enfin l’hébreu et l’arabe ont cette racine commune que fut le sémitique.
L’oeuvre réfère à ces situations vécues par certaines populations au cours de l’histoire mais aussi à l’actualité.
A l’heure où les technologies ont réussi à abolir nombre d’échelles et de frontières géographiques, l’Europe voit renaitre des mouvements nationalistes qui discourent sur l’importance « d’être un bon Français » ou le fait de ne pas appartenir à une nation… A défaut de ne plus subir certaines frontières, l’homme s’en est imposé d’autres, en a même créées de nouvelles, politiques, sociales ou économiques. Jérôme Conscience nous interroge sur ces frontières que l’homme s’est créée, sur cet être considéré soit comme voyageur averti soit comme apatride, déplacé, réfugié ou immigré. L’oeuvre se positionne comme un pendant médiatique où la figure de l’étranger n’apparaît pas comme des chiffres, des statistiques ou une représentation stigmatisée et stigmatisante.
L’oeuvre nous interroge sur la définition d’un étranger, la manière dont cette dénomination peut-être assignée et notre propre attitude face à l’altérité. Malgré cette forme impérative de la formulation (Don’t be) qui pourrait faire preuve d’autorité, les mots sont rassurants et pacifistes. C’est une nouvelle image de l’autre qui est donnée à voir et qui tente de remettre en cause celle obscurcie et déformée par le prisme de nos peurs.
Allégorie réelle / SL & GM