Si le travail de Jérôme Conscience tourne principalement autour de la mise en évidence de formes de langage, il peut sembler étonnant et contradictoire d’y rencontrer une autre face où l’on trouve pêle-mêle des photographies de nus, des objets comme un lit, des miroirs, des plâtres, une potence …
Faut-il ne voir en ces deux faces que la voie encore incertaine d’un artiste qui se cherche ou, au contraire le déjà là d’une logique qui à force de travail s’insinue avec insistance ? C’est, semble-t’il, la deuxième option qui s’impose. Avec elle c’est l’ensemble du travail qui révèle un sens plein.
Travaillant principalement les logiques déroutantes du langage J.C. dévoile le non sens ou les contresens que recèlent les formules captées à l’entour. Cela prend la forme de ces propositions présentées avec rigueur et délicatesse sur différents supports. L’autre face du travail dont le nu « MARIE COLA », le jeu sur la répétition de la gravure présentant une scène zoophile ou encore le lit viennent percuter l’ensemble du travail d’une connotation érotique. Celle-ci peut-être présente dans les formules écrites (« CORSAGE, IL FAUT NOURRIR LA FENTE »…) mais mise en scène par objets et images elle renvoie ailleurs. Et cet ailleurs c’est l’envers de la langue.
Le lit qui gigantesque est à la fois à voir comme celui d’un lupanar ou celui où se consomment les nuits de noces, oscille, dans le langage de Duchamp entre la mariée et la machine célibataire. En fait s’établit un espace double où d’un coté sont dévoilés des dispositifs de discours et de l’autre des dispositifs érotiques. L’entre deux laisse l’interrogation sur le lien. Sur celui-ci, occupé par le rien, ou le renvoi allusif, se polarise la question du sens comme dans ces machines de l’âge moderne, celle “à faire gazouiller les oiseaux” que présentait en son temps Szeemann. Un dispositif à deux étages, ici chez J.C., le langage et le lit, comme l’avant et l’après l’un de l’autre, le jour et la nuit, le langage et l’éros. On y verrait que le langage suppose cet avant ou après qu’est l’éros et que l’éros est lié à la langue.
Mais, et c’est l’intelligence du propos cela que tout poème d’adolescent expérimente, est ici discontinué, ramené à un principe de coexistence sans rapport, à un ou bien, ou bien, où dans ce qu’envisageait Kierkegaard, les deux moments de l’alternative devraient pouvoir être vécus simultanément, et où dans le principe de réalité ils ne peuvent que se succéder. C’est donc dans le problème de la succession et de la rencontre que nous emmène ce lit étrange, démesuré, qui emporte avec lui un univers d’objets hors du langage.
Dans les diverses monstrations de cet objet, J.C., varie l’environnement, quand il y associe un de ses tableaux de mots, tel « CORSAGE », le dispositif devient certes explicite et peut-être illustratif en ce qu’il court-circuite la logique de l’impossibilité et de la succession, mais en même temps c’est une autre distension qui est alors montrée, celle de la réception qui ne se nourrit que de sens et qui ne peut accepter l’impossible de la succession.
Louis Ucciani 2005